Trop d’hommes
Gilbert Auzias (juin 2010)
L’exposition des œuvres de Carla Kleekamp et le texte de Susan George qu’elle a choisi renvoient à une communication extrêmement riche. «Olivier de Serres, lecteur de la bible«
de Philippe De Robert, lors d’un colloque organisé du 18 au 20 septembre par l’Institut Olivier de Serres dans le domaine du Pradel à Mirabel. Le conférencier cite les textes au début de la Genèse: «l’Homme a été placé dans le jardin d’Eden pour le cultiver et le garder« (Genèse 2.15). Dieu donne explicitement pour mission et moyen d’existence aux ancêtres de l’humanité l’agriculture: tout d’abord à Adam la cueillette et la culture des végétaux (avec un régime végétarien) : «Je vous donne toute herbe portant semence à la surface de la terre et tout arbre portant du fruit et de la semence: ce serra votre nourriture« (Genèse 1.29). Ensuite à Noé, après le Déluge, la chasse, la pêche et l’élevage (avec un régime carné): «Vous serez un sujet de crainte et d’effroi pour tout animal de la terre, pour tout oiseau du ciel, pour tout ce qui se meut sur la terre et pour tous les poissons de la mer, ils sont livrés entre vos mains. Tout ce qui se meut et qui a vie vous servira de nourriture, je vous donne tout cela, comme l’herbe verte« (Genèse. 9, 2-3).
Nous ne sommes pas ici pour trancher le débat, simplement, au-delà de l’émotion que fait jaillir Carla Kleekamp, en superbe magicienne des palpitations sensibles, ne pouvons-nous pas espérer nous rallier à Olivier de Serres pour utiliser «le rameau d’olivier porté par la colombe qui lui fut annoncement de la bonne nouvelle. De là, les Antiques ont pris la branche d’olivier pour signal de paix, comme le laurier de la victoire«? Car les dangers sont multiples. Nous vivons le temps de la crispation. La peur l’emporte, un avenir incer-tain, une compétition capitaliste qui fut rage, une précarisation de l’emploi et un chômage
à un taux très élevé.
Nous sommes au milieu du gué. Après une condamnation du présent pendant des millé-naires, avec le thème de la décadence, de la décréptitude, de la chute originelle et du juge-ment dernier, l’optimisme, qui caractérisait le propre de la philosophie des Lumières et le scientisme du XXème siècle n’est plus de mise, aujourd’hui. Passé et présent ayant été discrédités , on a tendance à penser que le présent est devenu la référence essentielle.
Carla Kleekamp montre avec subtilité que le rapport au temps n’est pas simple. Elle nous invite à penser de manière plus complexe les phénomènes du monde qui est le notre.
Mais, ne faut-il pas trembler pour guérir, si l’on croit René Char?
Gilbert Auzias Espace Envol Mercredi 9 juin 2010 |